Notre histoire

Introduction 

“Celui qui ne sait pas d’où il vient ne peut savoir où il va.” – Antonio Gramsci

L’Orchestre d’Harmonie du Pays de Château-Gontier, c’est une quarantaine de musiciens passionnés par la musique, qui se réunissent chaque vendredi soir pour leur répétition hebdomadaire… Des projets, des rencontres, et beaucoup de partage. Mais combien d’entre eux sont-ils capables de parler de son histoire, des orchestres qui l’ont précédé, des musiciens qui ont créé ces rencontres musicales au fil des décennies..? Depuis combien de temps la musique fait-elle vibrer les murs de la ville de Château-Gontier? Existe-t-il des traces dans les mémoires et les archives d’un quelconque passé orchestral? 

C’est à la suite de ces nombreux questionnements que nous avons décidé d’engager des recherches… Il est grand temps de se replonger dans l’histoire, à la fois de l’harmonie, de la ville et des ensembles musicaux, pour reconstituer le passé musical de Château-Gontier, qui ne date sûrement pas d’hier… 

         Que l’enquête commence!

1/ Il était une fois en 1815…

Nos recherches sur le passé musical de Château-Gontier nous ont menés bien loin dans le temps… en effet, il faut tout de même remonter jusqu’en 1815 pour retrouver la première trace d’une effective “société musicale”…! Cet orchestre portait le nom de Musique de la Garde Nationale et réunissait une trentaine de musiciens de la classe bourgeoise de la ville. La France était alors sous le régime de la Restauration, et cela est loin d’être anodin à mentionner… À l’époque, les organisations sociales étaient étroitement liées à la politique, ainsi, la Musique de la Garde Nationale jouait à diverses occasions lors de moments festifs, religieux et donc… politiques. Le moindre écart envers le pouvoir en place à cette période aurait pu coûter cher à l’harmonie et, par la même occasion, à tous ses membres.

Toutefois, même si nos recherches ne retrouvent aucune source antérieure à 1815 concernant la fondation d’orchestres à Château-Gontier, cela ne signifie pas que la musique n’existait pas avant; il n’y avait cependant pas de grandes formations officielles plus anciennes.

En 1827, un nouvel ensemble vit le jour à Château-Gontier. Celui-ci est même composé de quelques instruments à cordes en ajout aux instruments à vents et percussions jusque-là joués! Portant le nom de Société Philharmonique, elle était sensiblement composée des mêmes musiciens que la Musique de Garde Nationale. Les deux ensembles accompagnaient alors toutes sortes de festivités organisées par Château-Gontier, ou bien pouvaient aussi se produire chez certains riches particuliers de la ville.

Suite à la révolution de 1830 qui troubla de nouveau l’ordre public en France, la Musique de la Garde Nationale changea de nom mais réussit à perdurer malgré tout. Elle en profita pour modifier son uniforme de concert, qui n’était plus en accord avec les mœurs politiques de l’époque. Puis, autant par méfiance de la part de l’État que des suites de la révolution, les gardes nationaux furent peu à peu licenciés dans les communes françaises dès les années 1850. S’en suis alors indéniablement le même sort pour l’orchestre de Château-Gontier, qui se vit dissous à cette même période… Seule la Société Philharmonique perpétua les rencontres quand l’occasion s’y prêtait. En revanche, tout laisse à penser que sans l’énergie de musiciens volontaires, ce groupe se soit lui aussi quelque peu essoufflé, et ce durant trois petites années… 

2/ La genèse d’une harmonie pérenne à Château-Gontier

La ville se retrouva sans prestation musicale officielle pendant quelque temps, au grand dam des castrogontériens… jusqu’en 1854 du moins! Nous retrouvons en effet à cette date la trace de quelques musiciens se réunissant à nouveau, avec un effectif plus réduit et sans étendard officiel pour le moment. Puis, sous l’impulsion des nouveaux recrutés qui se faisaient toujours plus nombreux, un nouvel ensemble portant le même nom que jadis vit le jour: ce fut le retour en trombe de la toute nouvelle Société Philharmonique! La musique n’eut heureusement pas disparu bien longtemps. Au contraire, la Société Philharmonique offrait à nouveau à la ville de Château-Gontier les divertissements musicaux qui d’antan la faisaient vibrer… La réussite fut totale!

L’orchestre se décomposait alors en plusieurs unités: un orchestre symphonique, un orchestre d’harmonie et un Orphéon. Au total, cela représentait pas moins de 290 personnes, musiciens ou bien simples membres honoraires…! Au fil des ans, l’harmonie vit gonfler ses rangs en accueillant notamment les musiciens de la Société Sainte Cécile, société qui aura existé d’elle-même seulement sept mois avant son intégration totale à la Société Philharmonique

En 1868, le nom de la Société Philharmonique fut enfin reconnu et s’inscrit officiellement sur le papier et non plus seulement officieusement dans les esprits. Cet ensemble culmina, et ce, à tous les points de vue: elle ravit les castrogontériens, réunit des musiciens passionnés pour de véritables moments de convivialité et remporta également ses premiers prix lors de concours d’orchestre nationaux (Chartres en 1868, Angers en 1869 et Blois en 1870)! 

Après une pause imposée durant l’année 1870 du fait de la guerre franco-prussienne, où les instruments laissèrent place aux fusils, les musiciens ne retrouvèrent leurs pupitres qu’un an plus tard, lorsque la paix revint à nouveau.

3/ De la prospérité au déclin de l’ensemble musical

Force est de constater que la Société Philharmonique rencontrait un véritable succès… Et pour permettre aux musiciens de se produire dans un espace leur étant dédié et dans les conditions les plus séantes, un monument bien connu des habitants de Château-Gontier fut érigé à cette occasion. De quel monument peut-il bien s’agir..? Tentons de le découvrir! Cet édifice vit le jour à la suite d’une collecte de dons, à l’initiative même de la Société Philharmonique, afin de concevoir un lieu propice aux représentations de l’orchestre… Cessons le mystère; Il s’agit du kiosque sur les actuelles Promenades de la Résistance! appelé alors simplement Promenade au moment de son inauguration en 1872. À en croire les témoignages de l’époque, il eut allègrement participé au développement musical et festif de la ville! 

*Bonus sur l’histoire du kiosque en bas de page…

L’ensemble continua sur sa lancée: il remporta de nouveaux prix, les chefs et musiciens évoluèrent, et la passion musicale demeura toujours… Les nouveaux adhérents appartenaient désormais à tous bords politiques et sociaux, preuve d’une tolérance récente dans le monde de la musique! Selon les sources écrites qui nous sont parvenues, la bonne entente et la camaraderie régnait au sein de l’harmonie, et il s’agissait même de leur principale force. La Société Philharmonique proposait alors des prestations pour toutes occasions: des cérémonies religieuses en passant par des concerts au kiosque, à l’occasion de mariages des membres, ou bien encore lors des sépultures. La musique était partie prenante de la vie des castrogontériens, voire même un élément central de leur quotidien. Il est bien nécessaire de saisir l’engouement qui entourait toutes ces festivités à Château-Gontier; leur succès était loin d’être négligeable et la ville eut même l’occasion d’organiser plusieurs festivals rassemblant de nombreuses sociétés musicales des alentours. Des centaines de musiciens et de spectateurs s’y conviaient!

 Néanmoins, le vent finit toujours par tourner, même parmi les plus grands passionnés… Pour des raisons aujourd’hui difficiles à recenser dans leur intégralité sans connaître l’ensemble du contexte de l’époque, des tensions au sein du groupe créèrent de nombreuses ruptures parmi les membres. Au fil des démissions des musiciens les années qui suivirent, l’engouement autour de la musique se perdit peu à peu face aux différends et dissentiments naissants, même si la société musicale s’efforçait de se produire encore en concert. A force de querelles entre les membres, certains s’en sont allés créer un nouvel ensemble : la Fanfare Saint Joseph. Ouvertement catholique, elle accompagnait toutes les grandes fêtes religieuses, là où la Société Philharmonique se voulait laïque et sans aucune appartenance politique. L’orchestre s’efforça à maintenir une entente commune, mais la démission de leur chef d’orchestre semble avoir posé le point final à l’ensemble, qui fut officiellement défait en 1882…

*Bonus sur la séparation de la Société Philharmonique en bas de page…

4/ Le retour enthousiaste de la musique

Toutefois, dans le courant de cette même année 1882, la musique suscita à nouveau le même enthousiasme qu’antan. Vénalités, flagorneries et vilenies ont laissé place à un terrain d’entente inédit. Sur les cendres de la Société Philharmonique, un nouvel ensemble vit le jour: ce fut désormais au tour de l’Union Musicale de ravir les festivités de la ville! Composée au trois quart par les musiciens de l’ancienne formation, symptôme du manque réel qu’avait suscité l’arrêt de la Société Philharmonique, tous se réunirent avec joie à nouveau sous un nom inédit, un nouvel uniforme et sous cette volonté commune et tenace: faire perdurer à Château-Gontier un ensemble d’harmonie! L’accueil de ce nouveau groupe fut chaleureux de la part des castrogontériens, réjouis d’entendre à nouveau résonner la musique dans leur commune. 

Là encore elle se décomposait en un orchestre d’harmonie, un orchestre symphonique et un Orphéon, et là encore, elle se démarquait par son succès… L’Union Musicale organisa à plusieurs reprises, à l’instar de ses prédécesseurs, de nombreux défilés au cœur des remparts de la ville accompagnée des orchestres des environs. Inutile de préciser à nouveau que l’ensemble battait son plein; la preuve en est, il obtint à de nombreuses reprises les premiers prix aux concours! Ses réussites lui firent gravir chaque année les échelons jusqu’à se classer en Division Supérieure… Eh oui! Château-Gontier, petite commune certes, mais surtout grande fièvre musicale. Ces triomphes en cascades découlaient d’une part des talents de ses musiciens, et d’autre part du talent de ses chefs, qui réussirent après les années à garantir une vitalité au sein de l’Union Musicale. 

Cependant, pour des raisons similaires à l’année 1870, l’orchestre fut contraint de mettre au placard les instruments le temps de la Grande Guerre… Malheureusement, cette dernière réduisit les rangs au sein de l’harmonie, laissant de nombreux sièges vides et des noms à graver dans les mémoires…

 Nos recherches se poursuivent encore et s’arrêtent à l’année 1926, avec l’arrivée d’un nouvel orchestre nommé Villebois-Mareuil. Ce dernier perdurera jusqu’en 1988. En revanche, les sources des ensembles de Château-Gontier s’étiolent à partir des années 1940 et nous perdons peu à peu trace de leur passage… Concernant l’Union Musicale, nous savons qu’elle organisa en 1932 une grande fête réunissant diverses harmonies de la région à l’occasion de ses 50 ans, puis en 1943, elle se produisit pour célébrer la fête des mères. En ce qui concerne la Fanfare saint Joseph, elle rendit les clefs en 1942… Après la Seconde Guerre Mondiale, notre enquête patine et peine à retrouver l’écho des musiciens qui d’antan jouaient…

5/ Les héritiers de l’histoire

Plus nous nous rapprochons de notre époque et plus les groupes nous paraissent familier… Les empreintes de la musique reprennent enfin sous nos yeux! En 1974, un tout nouvel ensemble vit le jour des suites de l’Union Musicale; il s’agit de l’Harmonie des sapeurs-pompiers! À l’époque, elle prenait part aux festivités de la ville où participaient également les soldats du feu, comme par exemple lors de la fête de la sainte Barbe ou bien lors des célébrations des armistices. Par la suite, elle vit gonfler ses rangs grâce aux élèves de l’École de musique de Château-Gontier nouvellement créée en 1973

Alors composée de musiciens et de quelques pompiers, elle est aujourd’hui encore effective et continue de colorer les cérémonies de Château-Gontier.

Cette fois-ci, plus besoin de fouiller dans les vieux ouvrages pour trouver ce que nous cherchons, car c’est au tour de notre Harmonie du Pays de Château-Gontier de voir le jour! C’est à la suite d’une décision prise entre les membres de l’Harmonie des sapeurs-pompiers, et ce, en toute bonne entente, que l’orchestre se scinda en deux groupes bien distincts, afin de correspondre aux ambitions musicales de chacun. Et cette nouvelle harmonie est celle que nous connaissons aujourd’hui! C’est en 1997 que l’orchestre s’est formé, sous l’impulsion de Bernard Gélineau, alors directeur de l’École de musique de Château-Gontier, et de Joël Chomette, ancien chef de l’Harmonie des sapeurs-pompiers. Tous deux se partageaient la baguette de chef pour diriger ce nouvel ensemble alors constitué de musiciens amateurs et des grands élèves de l’École de musique (devenue Conservatoire depuis lors). Même si à nouveau, les musiciens de l’Harmonie du Pays de Château-Gontier se sont succédé au fil des ans, le goût pour la musique est quant à lui resté intact. 

Cet orchestre est aujourd’hui le fruit d’une convention entre le Conservatoire, l’association de l’Harmonie, et la ville, ce qui permet la réalisation de projets en commun et notamment l’accès à la magnifique salle de spectacle du Théâtre des Ursulines. La direction de l’ensemble fut par la suite reprise par Camille Arthuis et Antoine Orblin en 2018, puis par Guillaume Page en 2020. En 2023, l’orchestre prend le nouveau nom d’Orchestre d’Harmonie du Pays de Château-Gontier (OHPCG), et se réunit, comme le faisaient alors les ensembles qui l’ont précédé, pour diverses occasions durant l’année!

6/ Conclusion sur notre histoire

Ainsi, comme a pu le démontrer notre enquête sur l’histoire musicale de Château-Gontier, de nombreuses organisations se sont succédé jusqu’à nos jours, mais jamais les activités musicales n’ont cessé en ville. Certes, les groupes ont évolué, changé de chefs et de musiciens; ils ont subi les aléas du temps et des guerres… mais une seule chose réussit à perdurer au grès des époques: la passion pour la musique. 

Au travers des nombreux concerts; au travers des concours remportés à de nombreuses reprises; au travers de la construction du kiosque sous l’impulsion même des musiciens; au travers de l’organisation d’événements musicaux, et ce, depuis plus de 200 ans… Nos recherches ont percé le cœur du passé et témoignent de l’engouement puissant que porte Château-Gontier pour celle qui adoucit les mœurs, pour celle qui survit éternellement au temps: la passion pour la musique. 

Aujourd’hui encore, sous les traits de l’Orchestre d’Harmonie du Pays de Château-Gontier et des autres associations instrumentales de la ville, la musique perdure et perdurera pour accompagner dès qu’il en est possible tous les moments festifs de la ville! L’histoire nous a appris ô combien les musiciens ont pu manquer quand ils s’absentaient, ô combien ils ont pu égayer des journées, des vies, des villes entières par leur jeu. Il est alors de notre devoir de conserver cet enthousiasme musical en donnant dès que l’occasion s’y prête, des concerts et rassemblements, dans le but de fêter ensemble cette discipline sans frontière, cette ferveur fédératrice : Oui, la passion pour la musique!


Enora Duval-Arnould

BONUS

* La guerre du kiosque : 

Dans un article de la Gazette de Château-Gontier paru en 1904, nous en apprenons un peu plus sur les quelques velléités qui eurent lieu à cette époque… et notamment la fameuse guerre du kiosque, qui opposait l’Union Musicale à la Fanfare Saint-Joseph. Cette dernière était d’ailleurs majoritairement composée d’anciens musiciens de l’Union, car réfractaires à son organisation… Leur relation n’est donc pas partie du bon pied. 

En 1904, la fanfare s’en retourne à la mairie pour lui faire part de sa grande contrariété : le groupe souhaiterait pouvoir se produire au kiosque, tout comme peut le faire l’Union Musicale. Il s’agirait selon leur dire d’un lieu public à tous, ayant notamment été financé par les castrogontériens eux-mêmes; un lieu public tout comme le sont les Halles et la mairie. Elle insiste bien sur le fait qu’elle ne désire pas faire de l’ombre à l’Union, ni la fâcher bien au contraire, la Fanfare aimerait se produire au kiosque pour le simple plaisir de partager la musique. 

C’est là que le conflit s’opère : l’Union Musicale, après avoir pris connaissance de la requête de la fanfare voisine, déplore le manque de bonne foi dont elle à fait part et prit elle aussi la plume pour écrire à la municipalité. La Fanfare Saint-Joseph ne dirait pas tout sur la réalité des événements… L’Union rappelle les faits : c’est elle qui, en 1872 fut à l’origine du financement du kiosque, car il a été lancé par l’ancêtre de l’Union, la Société Philharmonique. Ainsi, l’histoire la rend en partie propriétaire de ce lieu si convoité, même s’il fut cédé à la mairie peu de temps après sa construction pour faciliter sa maintenance. L’Union rappelle également l’hypocrisie de la Fanfare, qui fut à l’origine de la scission en deux groupes de l’originelle Société Philharmonique et qui n’a pas contribué à une entente cordiale, malgré les tentatives pacifiques de la nouvelle Union. La mairie se rangea finalement de l’avis de l’Union Musicale, et ne délivra aucun droit à la Fanfare. Toutefois, comme le constate le farouche journaliste de l’époque, toutes autres harmonies, même étrangère à la ville, ont eu le droit de jouer sur ce kiosque, seule la Fanfare Saint-Joseph en est exclu inlassablement. Les valeurs de la musique ont parfois la vie dure face aux valeurs politiques.


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